Pierre Lamy, dit Larousse, inspecteur du travail, responsable de l’armée secrète et martyr de la Résistance (1909-1944)

Mis à jour le 09/06/2024
Pierre Lamy
Pierre Lamy est né le 23 mars 1909 à Angoulême (Charente). Instituteur puis inspecteur du travail, il fut résistant de Libération-Sud et de l’Armée secrète (AS). Dénoncé par un ancien résistant, arrêté, torturé, il a été exécuté à Saint-Jorioz le 18 juillet 1944. Il avait 35 ans.

Ce 17 juin 2024, une exposition lui rend hommage à Annecy.

C'est le fils de Pierre Lamy, conducteur de travaux aux postes télégraphes et téléphones (PTT), et de Louise Saingareau, institutrice.

À sa sortie de l’école normale d’instituteur d’Angoulême, il fut nommé à Bassac le 1er octobre 1929 et effectua son service militaire à Metz, puis un stage à Saint-Cyr dont il sortit sous-lieutenant de réserve. Il épousa Marthe Poitou, institutrice. À la rentrée de 1931, le couple fut nommé à l’école en Charente où il enseigna jusqu’en 1937. Cette année-là, Pierre Lamy réussit le concours d’inspecteur du travail, et son classement lui permit de choisir son affection et d’être nommé à Annecy (Haute-Savoie) en 1938.

En août 1939, il fut mobilisé dans le 179ème bataillon alpin de forteresse à Gex (Ain) où il commanda la section des transmissions jusqu’à l’armistice le 25 juin 1940. Il regagna ensuite son bureau d’inspecteur du travail à la préfecture d’Annecy.

Pierre Lamy

Il fut d’emblée opposé à Vichy. En contact avec Paul Rivet, syndicaliste CFTC, Pierre Lamy se mit à sa disposition lorsque Rivet devint le responsable de Libération-Sud. Il lui fournissait des informations et transportait armes, tracts et journaux. Dans ses fonctions d’inspecteur du travail, il s’attacha à saboter le recrutement de main d’œuvre par l’Allemagne dans le cadre de la Relève puis du STO. Grâce à son courage et à celui de Paul Viret, devenu son ami, ce ne sont pas plus de 2,3% des jeunes requis qui partirent réellement en Allemagne. En 1943, il devint responsable de l’Armée secrète (AS) pour le secteur d’Annecy et membre du comité départemental de la Résistance en septembre. Au printemps 1944, Pierre Lamy, alias Larousse, était pressenti pour devenir le préfet de la Libération en Haute-Savoie.

Martyr de la Résistance haut-savoyarde

Il fut livré aux allemands par un ancien résistant. Arrêté le 28 juin 1944 rue Sommeiller à Annecy, il fut incarcéré dans les locaux de l’école Saint-François à Annecy où bientôt il fut rejoint par sa femme. Yeux crevés, ongles arrachés, brûlures multiples, la torture est sans limites. Très affaibli, il est incarcéré à l’école prison de Saint-François. Son calvaire dure encore 3 semaines de tortures. Il garda le silence sous la torture, lui qui savait tout de la résistance départementale. Le 18 juillet 1944, il fut conduit en voiture en direction du col de Leschaux et exécuté dans un bois.

Sa femme, Marie Marthe, institutrice, arrêtée le 26 juin 1944 au soir, est incarcérée dans les cellules aménagées dans les caves de Saint-François. Elle retrouve la liberté le 19 août 1944. Après son arrestation, Pierre Lamy est remplacé à la tête du secteur AS d’Annecy par Robert Poirson, dit Roby.

Les interrogatoires des membres de la Gestapo d’Annecy nous informent sur sa fin tragique
Adjudant Muller "Le 18 juillet, Jeewe (SS responsable du Greko d’Annecy) m’avait ordonné d’emmener Pierre Lamy vers le col de Leschaux et de l’abattre. Ayant expliqué à Jeewe que je ne voulais pas le faire, plutôt que je ne pouvais pas le faire, c’est alors qu’il m’a dit Schoenheiter, agent de la Gestapo, vous accompagnera et l’exécutera… Vers 14 heures, le même jour, nous nous sommes rendus en voiture, pilotée par Luetgens, chauffeur de la Gestapo, à l’école Saint-François. M. Lamy nous a été remis par deux Schuppos qui nous ont accompagnés, porteur de pelles. Suivis d’une voiture de la Feldgendarmerie et de quatre gendarmes dont Keilpflug, nous nous sommes rendus vers Leschaux. Vers la borne kilométrique 11, au lieu dit "Le Bourneau", nous sommes descendus des voitures. M. Lamy marchait à côté de moi. Il s’engagea sur nos indications dans le bois situé à gauche de la route à environ 25 mètres. Schoneheiter lui a tiré deux coups de mitraillettes, non je rectifie, deux coups de pistolets dans le dos, l’achevant ensuite d’une balle dans la tempe droite. La victime a été enterrée par les deux Schuppos qui nous accompagnaient. L’opération terminée, nous sommes rentrés à Annecy".
Caporal Schonheiter "Le jour de l’exécution de M. Lamy, le Sturmscharführer Muller vint me trouver en disant que Jeewe avait donné l’ordre que je devais fusiller Lamy. Je me suis rendu auprès de Jeewe pour protester. Il me répondit que je n’avais qu’à exécuter l’ordre… Je suis donc parti en compagnie de Muller, Luetgens et deux Schuppos ainsi que quelques Feldgendarmes dont Keilpflug. Nous prîmes la direction de Saint-Jorioz. Avant d’arriver à cette localité, Muller descendit de voiture ; il revint peu de temps après et me dit que c’était ici qu’on allait exécuter Lamy. Nous nous engageâmes dans la forêt. Muller et Lamy marchaient devant. Je suivais derrière. A un moment donné Muller donna l’ordre à Lamy de s’arrêter. Je me trouvais à ce moment là à environ 1 mètre 50 de Lamy. C’est à ce moment là que j’ai tiré sur Lamy. Je l’ai touché de trois coups de revolver sous l’omoplate gauche. Il s’est écroulé. Les deux Schuppos ont alors creusé un trou et ont enterré Lamy. Je l’avais d’abord touché de 2 coups de revolver seulement. Mais au bout de cinq à six minutes, un Schuppo m’avisa qu’il respirait encore. Je lui ai alors donné le coup de grâce. Je lui ai alors tiré un troisième coup de revolver dans la tempe gauche. Nous sommes alors retournés à Annecy. Personnellement je n’ai pas rendu compte à Jeewe ; je crois que c’est Muller."

Honneurs rendus

Grâce aux indications de l'adjudant Muller, le corps de Pierre Lamy fut retrouvé le 30 août 1944, après la libération d’Annecy. Il fut inhumé le 1er septembre 1944 au cimetière d’Annecy, accompagné par une foule considérable. Il repose dans le carré militaire de Loverchy.

Il obtint la mention Mort pour la France et fut nommé, à titre posthume, Chevalier de la Légion d’Honneur, avec Croix de Guerre et médaille de la Résistance.

Pierre Lamy est cité à l’ordre de la Nation, avec attribution de la Croix de guerre avec palme, le 16 décembre 1944.

Hommages en Haute-Savoie

Stèle inaugurée dans le cadre des commémorations du 70ème anniversaire de la mort de Pierre Lamy

Stèle inaugurée dans le cadre des commémorations du 70ème anniversaire de sa mort

Monument érigé à proximité du lieu de son exécution

Monument érigé à proximité du lieu de son exécution

Depuis 1949, la salle de la bourse du travail d’Annecy porte son nom.

Depuis 1949, la salle de la bourse du travail d’Annecy porte son nom.

Depuis 2007, une plaque rend hommage aux fonctionnaires morts pour la France dans le hall de la préfecture de Haute-Savoie (Annecy).

Depuis 2007, une plaque rend hommage aux fonctionnaires morts pour la France dans le hall de la préfecture de Haute-Savoie (Annecy).

La salle des professeurs du lycée Baudelaire de Cran-Gevrier s’appelle la salle Pierre Lamy.

En 2024, une exposition lui rend hommage à Annecy
Cette année, afin de mieux connaître sa vie et son parcours de résistant, une exposition sera présentée en préfecture d'Annecy, par la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS) ce 17 juin 2024.

Sources :

  • Dossier Lamy (archives du cabinet du Préfet, Archives départementales de Haute-Savoie)
  • https://fusilles-40-44.maitron.fr